Marie-Claude Potier est co-responsable de l’équipe Maladie d’Alzheimer, maladies à prions à l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (UPMC, CNRS, INSERM) et directeur de recherche CNRS. Elle s’intéresse notamment au rôle des lipides dans la sécrétion et le transport neuronal d’un peptide spécifique ainsi qu’à la toxicité de celui-ci. Pour assurer le bon déroulement de sa recherche elle a été amenée à développer avec Luce Dauphinot un nouveau dispositif microfluidique à même de permettre la sélection, la manipulation et l’étude de cellules uniques.

Les études de profils d’expression génique sont très souvent réalisées à partir d’une population de plusieurs milliers de cellules en raison de la difficulté technique que représente l’isolation des cellules et le besoin d’une quantité de matériel génétique suffisante. Bien qu’intéressant, ce mode de travail ne donne qu’une réponse génique moyenne de la population qui ne traduit pas les spécificités cellulaires. La technologie proposée par Marie-Claude Potier et Luce Dauphinot, qui a récemment reçu la médaille de cristal du CNRS pour ses travaux, dépasse ce handicap et rend possible l’analyse à l’échelle d’une cellule unique. Au-delà des besoins de l’équipe de l’ICM, ce type d’outil de recherche, dans la mesure où il permet notamment l’ensemencement de clones cellulaires (génération de lignées stables) et l’analyse de quantités très faibles d’ARN, présente un grand intérêt pour l’analyse transcriptomique à l’échelle de la cellule unique en neurologie, en cancérologie et plus généralement dans la réalisation de diagnostics.

Considérant la modularité de la technologie, la rapidité de son utilisation et le nombre d’applications envisageables, Lutech et Marie-Claude Potier ont décidé de mettre en place un programme de maturation pour le développement de cette technologie brevetée. L’objectif qui a été fixé pour le programme dès le printemps 2015 est la réalisation d’un prototype robotisé complet et l’obtention d’une preuve de concept consolidée afin de pouvoir rapidement transférer la technologie vers une entreprise.

Le programme est aujourd’hui en cours de finalisation et différentes lignées cellulaires sont testées. Les résultats prometteurs ont convaincus une société spécialisée dans la microfluidique de valider la compatibilité de cette technologie avec ses robots.

Nous avons évoqué avec Marie-Claude Potier l’importance de sa mission de valorisation :

SL : Quelle place prend dans votre quotidien le transfert de vos résultats de recherche vers le monde socio-économique ? Quel est l’impact du programme de maturation sur votre activité de recherche ? 

Lorsqu’on l’interroge à propos de la valorisation, Marie-Claude Potier nous dit que c’est toujours quelque chose qu’elle a en tête, “La recherche que l’on fait, en tout cas au sein de mon équipe, conduit toujours à considérer le retour vers le patient et la société”, précise-t-elle. Elle est investie sur différents projets de valorisation qui peuvent impliquer Lutech, comme le programme qu’elle mène sur l’analyse de cellules uniques, ou menés sans son intervention, elle mentionne à cet égard un projet en lien avec la trisomie.

Si le programme de maturation nécessite de mobiliser l’équipe, elle souligne que son implication n’empêche pas celle-ci de mener des travaux de recherche, elle considère en outre que ce programme “permet de structurer et d’aider à la recherche d’industriels et également de présenter les travaux réalisés par l’équipe lors d’événements auxquels elle n’aurait pas eu l’occasion de se rendre”. Elle précise que dans la plupart des congrès scientifiques auxquels elle assiste, si des entreprises sont présentes, elles sont peu enclines à travailler sur des développements proposés par des équipes académiques, c’est la participation du chargé d’affaire de Lutech à un congrès (Forum LABO & BIOTECH) industriel qui a permis de trouver un partenaire pour développer le dispositif d’analyse de cellule unique.

SL : Quels sont les apports des relations avec les entreprises pour votre laboratoire ? 

M-C : “Le laboratoire a beaucoup de relations avec des entreprises, qu’ils s’agisse d’acteurs de la pharmacie ou des biotechnologies et également des start-up. Le laboratoire est proche des entreprises présentes dans la pépinière de l’ICM(*). Nous travaillons essentiellement sur la base de contrats de collaboration qui permettent à chacun de progresser et nous ne réalisons aujourd’hui pas de prestations”. Sur ce dernier point elle indique que le développement de plateformes de services reste à considérer notamment pour des sujets comme le dispositif d’analyse de cellule unique.

(*)http://icm-institute.org/fr/presentation-ipeps/ 

SL : Quelle est l’implication des étudiants dans les projets en liens avec les entreprises dans le laboratoire ? 

M-C : “Aujourd’hui il n’y a pas de thèse financée par des contrats CIFRE dans le laboratoire mais il y a des étudiants qui valorisent les travaux de recherche. Un des inventeurs du brevet single cell (**) est un thésard du laboratoire.” Elle précise également que des étudiants ont apporté leur contribution au projet grâce à leurs compétences en ingénierie. D’une manière générale elle estime que la valorisation est un point à considérer dans le cadre d’une thèse.

(**)Il s’agit de la famille de brevet protégeant le dispositif.

SL : Votre collaboration avec Lutech est-elle un handicap à votre activité de recherche ? 

M-C : “Au contraire ! Cela ne pose aucun problème et cela boost le développement technique ainsi que la réalisation des manipulations, cela permet également d’aller plus loin dans la recherche. Si cela représentait un handicap nous n’y serions pas allés”. Marie-Claude Potier, qui souligne l’attribution de la médaille de cristal du CNRS à sa collaboratrice Luce Dauphinot pour son travail, indique qu’elle s’interroge sur l’évaluation de l’équipe et la prise en compte par les tutelles de l’activité de valorisation. Elle conclut l’échange en nous précisant que, de son point de vue, “Lutech c’est le maillon qui manquait jusqu’à présent” pour accompagner l’activité de valorisation du laboratoire.

Retrouvez Marie-Claude Potier sur la chaine YouTube de l’ICM
(https://youtu.be/yculY9KysII et https://youtu.be/ru_62RxVePI )