Jean-Baptiste Cazeneuve était jusqu’à récemment ingénieur de recherche au sein de l’UPMC dans l’Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique (ISIR). L’équipe de recherche dans laquelle il évoluait s’attache à concevoir et créer des dispositifs robotiques d’assistance aux gestes et mouvements humains dans cadre d’interventions chirurgicales. Très impliqué dans le développement de cathéters actifs – i.e. motorisés et automatisés dans leur partie distale - pour la neuroradiologie et désireux d’orienter sa carrière vers le monde de l’entreprise, Jean-Baptiste Cazeneuve a eu l’opportunité de porter un projet entrepreneurial, appuyé par Lutech, avec Raphaël Blanc, médecin neuroradiologue à la Fondation Ophtalmologique Adolphe de Rothschild et grâce à l’invention réalisée par Jérôme Szewczyk, professeur à l’UPMC. Dès les origines de ce projet on trouve un socle académique solide représentant plusieurs années de recherche (*) qui ont fait l’objet d’une protection par brevets.
Maturation du projet du cathéter actif
Un programme de développement a été mis en place pour accompagner la mise au point de la technologie de cathéter actif présentant une mobilité par fils à mémoire de forme permettant d’accroître la facilité d’accès, la manœuvrabilité et la stabilité du geste du praticien pendant les opérations. Parmi les étapes du programme de maturation, la validation de la biocompatibilité du dispositif et l’étude réglementaire de l’utilisation de celui-ci ont été cruciales pour mener à bien le projet. C’est elles qui ont permis de valider l’accessibilité pour cette technologie brevetée à des marchés nombreux (ex. cardiologie interventionnelle, chirurgie vasculaire…) et à de vastes perspectives d’exploitation compte tenu de la forte croissance de ceux-ci.
Au sein de la start-up BASECAMP VASCULAR, qui a été créée en 2016 pour exploiter le projet de ce cathéter actif, Raphaël Blanc et Jean-Baptiste Cazeneuve sont respectivement CEO et CTO en charge des aspects techniques. La start-up a déjà éveillé l’attention des acteurs de l’innovation :
• Elle a été nominée pour le 19e concours national d’aide à la création d’entreprises de technologie innovantes ;
• Elle est sélectionné pour remporter le 9e prix Innovation Prize, catégorie MedTech, qui sera prochainement remis par Universal Biotech ;
• Elle fait partie des start-ups retenues pour l’obtention du prix de l’innovation en imagerie médicale qui sera décerné par la Société Française de Radiologie (SFR), Medicen Paris Région et le Syndicat National de l’Industrie des Technologies Médicales (SNITEM) à l’occasion des journées francophones de radiologies en octobre ;
• Elle a reçu un Mercure HEC Booster 2017 et son équipe bénéficiera à ce titre d’un coaching de premier ordre.
• Elle a été labellisée Onco-Entrepreneur en 2016 ;
• Le projet a été soutenu par la Fondation de l’Avenir au travers d’une subvention obtenue pour la réalisation d’une étude sur la géométrie des vaisseaux du cerveau.
La démonstration par la start-up de la pertinence de la technologie de ce cathéter actif dans un environnement réaliste (TRL), i.e. un modèle en silicone à échelle réelle de navigation endovasculaire (aorte et vaisseaux supra aortiques extra crâniens), lui a permis de réaliser une première levée de fonds de près de 500 k€ auprès d’investisseurs privés. La poursuite du développement dans les prochains mois et la validation du prototype au sein d’un environnement opérationnel, en vue de l’obtention d’une indispensable certification, devrait conduire à une commercialisation de la solution dès 2019 !
Vous retrouverez ci-après la synthèse de l’échange que nous avons eu avec Raphaël Blanc afin qu’il nous fasse partager son expérience de porteur de projet. Vous pouvez également découvrir ci-après la présentation qu’il a faite à l’occasion d’un session d’une conférence organisée par la SATT Lutech à l’UPMC sur le thème des Mathématiques et Santé et dans laquelle il expose sa vision de l’entrepreneuriat, il y rappelle que c’est la rencontre entre un besoin médical et des technologies bien souvent disponibles dans les laboratoires qui conduit aux projets entrepreneuriaux.
(*) Marchandise, Emilie, Patrice Flaud, Laurent Royon, Raphaël Blanc, and Jérome Szewczyk. “Thermal and hydrodynamic modelling of active catheters for interventional radiology.” Computer Methods in Biomechanics and Biomedical Engineering14, no. 7 (2011): 595-602. doi:10.1080/10255842.2010.489044.
Szewczyk, Jérôme, Emilie Marchandise, Patrice Flaud, Laurent Royon, and Raphaël Blanc. “Active Catheters for Neuroradiology.” Journal of Robotics and Mechatronics23, no. 1 (2011): 105-15. doi:10.20965/jrm.2011.p0105.
Quand avez-vous fait le choix de l’entrepreneuriat ? Qu’est-ce qui vous y a poussé ?
Raphaël Blanc considère que dans le domaine des dispositifs médicaux l’entrepreneuriat est souvent le seul moyen pour permettre l’essor d’un projet. Les entreprises existantes ne sont pas enclines à saisir des opportunités basées sur la recherche fondamentale des laboratoires (pour elles trop risquées à intégrer dans le cas d’organisations de grande taille) mais sont en revanche ouvertes à s’appuyer sur des start-ups ayant démontré l’applicabilité de ces inventions qu’elles peuvent au besoin intégrer.
A de nombreuses occasions il a pu constater la difficulté pour les acteurs du monde académique (compte tenu de leur culture propre qui n’est en général pas orientée vers le business) d’aborder l’entrepreneuriat et d’envisager de mettre en place une proposition de start-up. Dans son équipe il souligne la propension de Jean-Baptiste Cazeneuve, qui a suivi un parcours d’ingénieur, à aller vers cette aventure entrepreneuriale. Lui-même, en tant que médecin, a eu l’occasion d’interagir avec des start-ups dans le cadre de la réalisation d’étude cliniques. C’est ce premier partage d’expérience qui a révélé ou fait émerger chez lui l’envie et la motivation à s’engager dans un projet, porté par 10 ans de travaux académiques, comme celui qui a conduit à BASECAMP VASCULAR.
Passer du monde de la recherche à celui de l’entreprise est-ce un challenge ?
Il nous indique que c’est en fait plusieurs challenges et qu’il y a sans doute plus qu’un fossé entre ces mondes, le passage de l’un à l’autre représentant un travail au long cours. Trois aspects lui paraissent essentiels pour franchir cet espace : valider le besoin du marché, constituer l’équipe et obtenir le soutien de l’écosystème. La constitution de l’équipe et l’appui de l’écosystème permettent d’alimenter le projet en ressources clefs comme les compétences et l’expertise sur la thématique du projet, son marché ou encore la réalité des entreprises du secteur, ainsi qu’en conseil et appui dans l’obtention de financement pour assurer un bon développement.
Enfin, il souligne, que la recherche fondamentale, qui est parfois considérée comme une activité à fonds perdus, est très souvent à l’origine de l’émergence de projets qui alimentent les entreprises.
Quels ont été pour vous les actions clefs de Lutech dans ce projet entrepreneurial / Quel a été l’apport clef de Lutech dans votre projet ?
La confiance que Lutech a placé dans l’équipe est un engagement clef pour Raphaël Blanc. C’est sur celui-ci que se sont appuyés les coéquipiers pour s’impliquer dans le projet, travailler de concert à son développement et à la création de la start-up.
Pour lui, l’étude de marché qui avait été réalisée par Lutech afin de positionner les travaux académiques réalisés dans le laboratoire, a été une première étape structurante. C’est cet apport, consolidé par le réseau d’entreprises auquel Raphaël Blanc était connecté et qu’il a su mobiliser, qui a fait émerger la possibilité de la start-up. Durant la phase d’analyse du projet par la SATT les échanges qui ont eu lieu avec le comité d’investissement ont été déterminants. En effet, l’expertise du rapporteur, issu d’un fonds d’investissement, est allée particulièrement loin et ses conseils lui ont été précieux.
De manière constructive, Raphaël Blanc fait également part de propositions d’amélioration pour Lutech dans la mise en place de projets de création de start-up, il évoque ainsi le besoin de consolider la continuité entre l’accompagnement de Lutech et celui des relais suivants en particulier à propos du financement, tant pour l’obtention de subventions que pour lever des fonds.
Avez-vous des recommandations pour des chercheurs qui ont le souhait de porter un projet entrepreneurial et/ou de transfert ?
S’agissant des start-ups, sur la base de son expérience, Raphaël Blanc estime que le porteur doit savoir se projeter afin d’avoir une vision à long terme de son projet. Comme cela transparait dans l’ensemble de notre discussion, pour lui, la sécurisation du financement de la start-up afin d’en assurer le développement est vital. La négociation de la licence d’exploitation ou encore les échanges avec des business angels ou des fonds d’investissement doivent, d’après lui, avoir lieu suffisamment tôt.
Il recommande d’être vigilant à la constitution de l’équipe et indique que dans le secteur des dispositifs médicaux il lui semble important d’associer rapidement une compétence règlementaire tant cet aspect sera par la suite prépondérant pour le succès du projet.
Sur l’accompagnement et son importance il évoque les opportunités que peuvent offrir les nombreuses structures aujourd’hui présentes dans l’environnement des start-ups et ce qu’elles sont susceptibles d’apporter. Pour les projets issus de laboratoires de recherche, souvent ambitieux et d’un niveau scientifique élevé, il estime qu’un interlocuteur comme Lutech est sans doute l‘un des plus à même de répondre aux besoins des porteurs compte tenu de sa sensibilité aux sujets techniquement complexes, de sa capacité de financement et de son expertise sur les actifs stratégiques liés à la propriété industrielle.
Jusqu’au lancement du programme de maturation quel était votre connaissance des normes relatives aux dispositifs de santé ?
A propos de la certification, Raphaël Blanc indique que, bien que son activité de médecin l’ait conduit à disposer d’un minimum de sensibilité sur cet aspect, son niveau de connaissances était trop superficiel et que ce n’est qu’après plusieurs mois de maturation qu’il mesure réellement les enjeux dont il est question. Dans un projet d’entreprise lié aux dispositifs médicaux, il lui semble évident que cette problématique doit être saisie en amont, voire au départ, du projet afin qu’elle puisse non seulement orienter son évolution mais également imprégner la culture des acteurs impliqués. Rétrospectivement, dans le cas de BASECAMP VASCULAR, il aurait aimé par exemple, en complément d’un consultant du secteur, proposer à un stagiaire spécialisé en certification d’intervenir puis de lui offrir par la suite des perspectives au sein de la start-up.