La physico-chimie des électrolytes et des matériaux interfaciaux multi-échelles, comme les systèmes colloïdaux et les matériaux poreux, est au cœur de l’activité du laboratoire de Physicochimie des Electrolytes et Nanosystèmes interfaciaux – PHENIX (CNRS/UPMC). Qu’il s’agisse de l’élaboration et la fonctionnalisation de nanoparticules minérales, de l’utilisation de matériaux magnétiques multi-échelles ou encore de modélisations de fluides, les travaux conduits dans le laboratoire trouvent des applications dans les secteurs de l’environnement, de la santé et de l’énergie.
Damien Dambournet, maître de conférences à l’UPMC, mène son activité de recherche au sein de l’équipe Electrochimie et Liquides Ioniques (ELI) de PHENIX. Avec d’autres membres de l’équipe (Jiwei Ma, chercheur postdoctorant, et Ana-Gabriela Porras-Gutierrez, ingénieur d’études), ils ont récemment synthétisé un nouveau matériau à base d’oxyde de titane amorphe susceptible d’être utilisé comme électrode dans des batteries lithium-ion. Contrairement au matériau commercial de composition Li4Ti5O12, le composé est exempt de lithium ! L’absence de cet élément onéreux représente un réel avantage en termes de facilité et coûts (économique et environnemental) de synthèse, ainsi que de recyclage. Pour la préparation, des méthodes basses températures peuvent être mises à profit, le matériau est préparé à une température inférieure à 100 °C ce qui représente d’importantes économies d’énergie.
Ses qualités ouvrent au matériau un large potentiel pour des applications de puissance comme le stockage stationnaire support des énergies intermittentes (éolien et photovoltaïque). Ce marché mondial présente une croissance supérieure à 10% et il est attendu qu’il atteigne 360 millions de dollars en 2025 (*).
Considérant l’attrait du marché et la pertinence du matériau pour celui-ci, Lutech et Damien Dambournet ont décidé de mettre en place un programme de maturation afin de consolider le processus de fabrication, de s’assurer d’une possibilité de production à grande échelle et de tester les capacités électriques du matériau dans des conditions opérationnelles avec un industriel. Ce programme devrait aboutir en 2017 et la technologie, qui a été brevetée, proposée alors aux acteurs du marché.
(*) source : Avicenne Energy
Nous avons interrogé Damien Dambournet et la direction du laboratoire PHENIX sur la recherche menée par les équipes, les relations entretenues par le laboratoire avec les entreprises et le transfert de technologie.
[Damien Dambournet] Quelles sont les thématiques développées par votre équipe dans le laboratoire PHENIX ?
Nous travaillons sur le développement de matériaux et de dispositifs électrochimiques pour le stockage de l’énergie. Nos travaux de recherches s’intéressent à la synthèse et à la caractérisation de composés inorganiques utilisables comme électrodes dans des batteries rechargeables telles que les batteries lithium-ion. Nous nous intéressons aussi à des études plus prospectives qui visent à explorer des concepts peu ou pas étudiés. Par exemple, nous avons récemment participé à un projet visant à analyser la faisabilité d’une batterie à l’état solide basé sur l’insertion réversible d’ions fluorures (Projet ANR FLuobat).
[Damien Dambournet] Comment considérez-vous les applications dans vos orientations de recherche ?
Nous travaillons sur des matériaux pour des applications ciblées. Dans notre cas, les applications vont définir le type de matériaux sur lequel nous allons travailler.
[Damien Dambournet] Qu’est ce qui a orienté vos travaux de recherche sur ce type de matériau ?
Nous avions entrepris une étude fondamentale sur les mécanismes de cristallisation d’un oxyde de titane, un composé très largement étudié pour ses propriétés de stockage. Lors de ces travaux, nous avons isolé un composé qui présentait des propriétés électrochimiques particulièrement intéressantes.
[Damien Dambournet] Que vous apporte le programme de maturation que vous menez avec Lutech ?
Ce programme nous a d’abord permis d’intégrer la possibilité de valoriser nos travaux autrement que par les moyens classiques (publications, communications dans des congrès ou brevets). L’accompagnement de la SATT Lutech est en ce sens essentiel pour aborder un domaine que peu de chercheurs académiques côtoient, à savoir la valorisation. C’est ce travail pédagogique qui nous permis de définir ensemble un programme de maturation dans lequel notre laboratoire prend toute sa mesure. Nous avons en effet pu mettre un place un travail d’optimisation du procédé de synthèse ainsi que des propriétés du matériau. Nous espérons ainsi pouvoir proposer notre invention aux acteurs du marché dès 2017.
[Direction de PHENIX] Quelles relations entretenez-vous avec les entreprises et le monde industriel ?
La direction du laboratoire nous a indiqué que cette équipe et de manière générale, le laboratoire PHENIX, a de nombreuses relations avec des entreprises, qu’il s’agisse de PME ou de grandes entreprises. En outre elle a précisé que le programme de maturation était aussi, pour l’équipe concernée, une opportunité de se rapprocher d’acteurs industriels et ainsi de renforcer et de s’ouvrir à de nouvelles collaborations.
[Direction de PHENIX] Comment l’équipe du laboratoire articule-t-elle ses activités de recherche et de valorisation ?
La direction du laboratoire nous a indiqué que les activités de recherche et de valorisation sont pour elle très étroitement liées, l’une stimulant l’autre et inversement. Par exemple, sur des questions d’optimisation de procédé qui pourraient apparaître hors des missions de recherche des chercheurs, elle y voit une formidable opportunité pour comprendre comment la matière s’organise et quel impact cela peut avoir sur les applications.