Si la faculté de préhension est largement répandue parmi les vertébrés tétrapodes il existe encore aujourd’hui des incertitudes sur son origine et son évolution. Séverine Toussaint, aujourd’hui doctorante au Centre de Recherche sur la Paléobiodiversité et les Paléoenvironnements (MNHN/CNRS/UPMC), a eu l’occasion de se saisir du sujet et a pour cela étudié le comportement du microcèbe mignon (Microcebus murinus) lorsqu’il saisit des branches et de la nourriture.
Ces travaux précédents et réflexions quant à l’intérêt de l’étude des forces appliquées par les mains et pieds lors de la locomotion sur des petits mammifères arboricoles (Int J Primatol (2015) 36:583–604) l’ont conduite à élaborer un capteur de force de pression matricielle complet. Au-delà de l’intérêt d’un tel outil à des fins de recherche, les marchés de la biomécanique et de la robotique sont aujourd’hui particulièrement intéressés par les innovations dans ce domaine. C’est ce qui a motivé Séverine Toussaint et Lutech pour s’engager dans un programme de maturation visant à explorer différentes configurations du dispositifs puis à valider les possibilités d’industrialisation avant de transférer la technologie et le brevet associé vers les entreprises du secteur.
Après la construction de deux prototypes fonctionnels, à mi-parcours d’un programme prévu pour une durée de 15 mois et à la veille des tests de pré-industrialisation, Séverine Toussaint a répondu à nos questions. Dans le cadre de sa thèse elle étudie aujourd’hui les origines des Primates et la reconstruction du morphotype ancestral primate, en se focalisant notamment sur l’évolution du pied.
SL : Comment s’inscrit le programme de maturation dans votre activité de recherche et d’étude ?
Séverine Toussaint est actuellement doctorante de l’Université Paris Diderot et mène son activité de recherche au MNHN, elle bénéficie d’une année de césure (http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid100944/duree-organisation-periode-cesure.html) qu’elle consacre au programme de maturation.
ST : « Lutech assure un accompagnement humain et financier qui est utile pour mes travaux de recherche, qui permet de réaliser un prototype et de lever les risques sur la technologie » indique-t-elle. Elle estime que son investissement dans le programme lui apporte une grande expérience et lui permet de gagner de nouvelles compétences (ex.gestion de projet) qu’elle n’aurait pu acquérir autrement.
SL : A l’issue du programme de maturation aborderez-vous les travaux de recherche d’une manière différente ?
Séverine Toussaint qui a « toujours abordé la recherche comme liée au développement et de manière interdisciplinaire », considère que « même dans la recherche fondamentale il y a de l’applicatif et finalement des enjeux de valorisation ». Elle reconnait que, dans le domaine la paléontologie ou l’éthologie, il est sans doute assez nouveau de considérer les actions de valorisation telles qu’elle les mène actuellement. C’est son parcours « interdisciplinaire en lien avec des physiciens et des biomécaniciens » qui l’a conduite à facilement envisager la valorisation, elle entend conserver cet état d’esprit dans la suite de sa carrière.
SL : Comment votre vision de la recherche et du développement évolue-t-elle aujourd’hui ?
ST : « Avant de m’engager sur le programme avec Lutech ma vision de la recherche était moins nette, je pensais que seuls des laboratoires de grande taille ou des équipes très étoffées pouvaient se permettre d’engager des actions de valorisation. Au travers ma collaboration avec Lutech j’ai réalisé qu’il était possible pour tout chercheur avec une idée, peu important la taille de son laboratoire de rattachement, de la faire évoluer grâce à la valorisation. »
SL : Comment votre parcours universitaire vous a préparé à l’activité de valorisation ?
Séverine Toussaint n’a pas, jusqu’en thèse, suivi de formation à la valorisation des résultats de la recherche. C’est grâce à l’école doctorale (ED474 Frontières du Vivant, au Centre de Recherche Interdisciplinaire), lors de l’engagement de son travail doctoral, qu’elle a pu en bénéficier. Elle a rencontré dans ce contexte Hélène Salin (Chef du Service de la valorisation au Muséum National d’Histoire Naturelle) avec qui elle a interagi pour rencontrer Lutech.
SL : Avez-vous découvert de nouveaux métiers en travaillant avec Lutech ? Dans l’affirmative lesquels et comment les décririez-vous ?
ST : « J’ai découvert deux familles de métier : celle des chefs de projets et celle des ingénieurs propriété intellectuelle. Les personnes que j’ai rencontrées chez Lutech disposent toutes de connaissances scientifiques. Selon leur activité il est également nécessaire d’avoir des compétences relationnelles, compte tenue de la dimension sociale et humaine présente dans les interactions avec les chercheurs et les entreprises, ou une connaissance juridique permettant de traiter des sujets complexes. L’organisation m’a semblée riche de profils et à même de travailler sur des sujets challenging. »